Mots clés : Équations aux dérivées partielles, Homogénéisation, Équations de Maxwell, Métamatériaux, Convergence double-échelle, Problème spectral.

Thèmes de recherche

Je m'intéresse à l'étude mathématique et numérique des métamatériaux. Ce sont des matériaux composites qui présentent des propriétés électromagnétiques que l'on ne peut pas observer chez les matériaux naturels. On peut, par exemple, créer artificiellement des milieux ayant un indice de réfraction négatif ce qui peut en particulier provoquer une réfraction inverse de l'onde incidente comme le représente la figure 1. Les métamatériaux sont constitués d'une structure périodique ou aléatoire composée d'un matériau ayant une grande permittivité ou conductivité. On présente dans la figure 1 un exemple d'une telle structure qui se comporte, dans certaines bandes de fréquences, comme un matériau homogène décrit par un indice de réfraction négatif.

Figure 1 : À gauche, différence de réfraction entre un matériau naturel (à gauche) et un métamatériau avec indice négatif (à droite) ; à droite : structure se comportant comme un matériau à indice négatif en micro-ondes.

L'approche mathématique se place dans le cadre de l'homogénéisation et consiste à passer à la limite dans le système d'équations décrivant le problème de diffraction lorsque la distance séparant les inclusions tend vers zéro. Il s'agit de comprendre dans quelles conditions le milieu est homogénéisable avec des lois effectives de permittivité et de perméabilité locales, puis d'examiner plus particulièrement les situations où ces lois sont décrites par des tenseurs dépendant de la fréquence et pouvant avoir des valeurs propres de partie réelle négative. Dans chacune des structures étudiées, nous effectuons une analyse asymptotique relativement à un petit paramètre noté η en fonction duquel nous faisons varier la période, la permittivité relative des inclusions ainsi que leur géométrie. Plus précisément, la période de la structure sera dη (où d est un paramètre de normalisation), les inclusions occuperont un sous-ensemble ση de l'obstacle diffractant \(Ω\subset\mathbb{R}^3\) et εη(x) décrira localement la permittivité du milieu. La structure dépend ainsi du seul paramètre η et reste contenue dans le domaine borné Ω (voir figures 1). Nous considérons alors, pour tout η>0, le problème de diffraction d'une onde incidente monochromatique (Einc,Hinc ) (représentant les champs électriques et magnétiques "venant" de l'infini), indépendante de η et de fréquence angulaire donnée É>0. Le champ électromagnétique total (Eη,Hη) est alors solution du système de Maxwell $$ \begin{cases} \mbox{rot}\ \mathbf{E}_\eta=i \omega \mu_0 \mathbf{H}_\eta \ ,\\ \mbox{rot}\ \mathbf{H}_\eta=-i\omega \varepsilon_0 \varepsilon_\eta \, \mathbf{E}_\eta\ . \end{cases}\qquad(1) $$ Ici ε0 et &mu0 sont les permittivité et perméabilité du vide si bien que εη=1 dans \(\mathbb{R}^3\setminus\Sigma_\eta\) et les équations dans (1) sont vérifiées au sens des distributions sur tout \(\mathbb{R}^3\). La résolution du système (1) couplé à des conditions d'ondes sortantes à l'infini pour le champ diffracté (Eη-Einc ,Hη-Hinc) conduit à une solution unique (Eη,Hη). Notre problème mathématique principal est classique en théorie de l'homogénéisation : il s'agit d'étudier le comportement asymptotique quand η tend vers 0 de (Eη,Hη) et d'identifier le champ limite (E,H) en tant que solution d'un problème de diffraction caractérisé par des tenseurs effectifs homogénéisés.

Difficultés :

&diams L'obstacle Ω est borné et tridimensionnel : cela exclut la possibilité de réduire l'étude au cas de champs électriques ou magnétiques polarisés. Notons que cette hypothèse simplificatrice est très souvent utilisée par les physiciens et permet de ramener le système (1) à une équation de type Helmoltz en dimension deux. Elle est légitime seulement quand l'obstacle est invariant dans une direction (donc non borné).

&diams Le fait de choisir un facteur de contraste important ("milieux extrêmes") donne un rôle crucial à la topologie des inclusions au sein de la cellule de périodicité.

&diams Dans certains cas, la recherche d'une loi homogénéisée décrite par des tenseurs de permittivité et de permittivité s'avère infructueuse. L'analyse asymptotique peut en effet conduire à des lois effectives non locales comme dans [10].

&diams Due à la nature vectorielle du système de Maxwell et au fait que les estimations à priori mettent en jeu uniquement le rotationnel des champs Eη et Hη, il est très délicat d'établir une borne uniforme de ces champs dans L2loc. Celle-ci se fera à posteriori en utilisant l'unicité de la solution du problème limite.

Outils et résultats

Point de vue théorique.

Le cadre mathématique est celui de d'analyse double-échelle classique ou stochastique pour étudier le comportement limite du champ électromagnétique. Les limites doubles échelles des champs électriques et magnétiques sont solutions de systèmes d'EDP sur le tore dont la résolution permet de donner le comportement du milieu homogénéisé. Ces systèmes peuvent parfois être résolus par le biais de problèmes spectraux dont les valeurs propres décrivent les résonances microscopiques du système. Ces micro-résonances induisent un comportement macroscopique de la structure décrit par des tenseurs effectifs dépendant de la fréquence.

Résultats obtenus :

&diams Dans [2], nous proposons la construction d'un cristal photonique 3D conduisant à un tenseur de permittivité effectif négatif. C'est à notre connaissance le premier résultat mathématique rigoureux permettant d'obtenir de tels matériaux effectifs dans le cadre de la diffraction d'onde électromagnétique par un obstacle borné 3D. Notre métamatériau est construit en deux étapes (voir figure 2):

- La première, inspirée des travaux de D. Felbacq et G. Bouchitté [10], consiste à considérer un composite formé de fibres métalliques parallèles très fines, très conductrices et de longueur finie. Contrairement à l'idée communément admise, la loi constitutive qui résulte de l'homogénéisation d'une telle structure est non locale (toutefois une permittivité négative peut être atteinte lorsque la longueur des fibres est infinie [11]).

- La seconde étape est entièrement nouvelle. Elle consiste à considérer une structure formée de la reproduction périodique, à une petite échelle, du matériau composite précédent. En appliquant une procédure d'homogénéisation réitérée, nous obtenons un milieu effectif local tridimensionnel décrit par un tenseur de permittivité dépendant de la fréquence et faisant intervenir un problème spectral sur la cellule unité.

Le tenseur effectif obtenu dépend en outre des différents paramètres physiques décrivant la structure (conductivité, taux de remplissage des fibres, coefficient capacitaire). En faisant varier ces paramètres, nous montrons qu'il est possible d'atteindre tous les tenseurs de permittivité décrits par une matrice réelle symétrique. Cela permet de répondre à des questions concernant les milieux "atteignables" par homogénéisation.

Figure 2 : Structures périodiques étudiée dans [1] à droite (perméabilité négative) et dans [2] à gauche (permittivité négative).

&diams Dans [1], nous proposons une extension 3D des résultats obtenus dans un cadre bidimensionnel par J. Pendry [12] en 2002 puis démontrés rigoureusement par G. Bouchitté et D. Felbacq [13] en 2005. Rappelons que dans ces travaux, le cristal photonique était constitué d'un réseau de fibres diélectriques parallèles de longueur infinie et, pour un choix judicieux du contraste, faisait apparaître une perméabilité négative dans la direction des fibres.

La structure que nous étudions est formée d'inclusions simplement connexes (typiquement des sphères), fortement diélectriques, et disposées périodiquement au sein d'un domaine borné de \(\mathbb{R}\)3 (voir figure 2 à droite). En maintenant constant le diamètre optique des inclusions (ce qui impose un contraste de l'ordre de 1/η2), l'analyse double-échelle fait apparaître une activité magnétique au niveau du système d'équations (vectorielles) sur la cellule de périodicité. Ce système est résolu par méthodes spectrales et fait apparaître des résonances. Il est entièrement déterminé par le champ magnétique macroscopique qui résulte d'une moyennisation géométrique particulière liée au 1-formes différentielles sur le tore.

Notre résultat d'homogénéisation conduit à une loi de perméabilité locale décrite par un tenseur effectif dont les valeurs propres sont de partie réelle changeant de signe avec la fréquence. Ceci est une alternative à la célèbre construction de Pendry [14] formée d'anneaux fendus qui a été étudiée mathématiquement par R. V. Kohn et S. P. Shipman [15] dans un cas 2D et par G. Bouchitté et B. Schweizer [16] dans le cas général 3D.

Figure 3 : Structure aléatoire étudiée dans [17].

&diams Dans [17], nous nous intéressons à l'extension des résultats de [1] lorsque les inclusions sont disposées aléatoirement. Nous nous plaçons dans le cas simplifié d'une structure infinie et invariante dans une direction afin de pouvoir considérer des champs polarisés et rendre ainsi le problème bidimensionnel. Cette structure est formée de fibres circulaires parallèles infinies dont les sections sont des disques qui restent dans un domaine borné de \(\mathbb{R}^2\). La disposition (centres, rayons) et la permittivité de ces inclusions circulaires sont aléatoires et respectent une hypothèse d'ergodicité adéquate.

L'analyse asymptotique est effectuée en utilisant une variante stochastique de la convergence double-échelle introduite par Zhikov et Piatnitski dans [18]. Nous mettons en évidence un critère sur la loi de distribution des rayons et des permittivités permettant de justifier l'analyse asymptotique. La loi homogénéisée est déterministe et fait intervenir une perméabilité effective donnée explicitement en fonction de la fréquence et de la loi de probalilité de la distribution initiale.

Point de vue numérique

L'objectif est d'approcher la valeur des paramètres effectifs décrivant les milieux homogénéisés obtenus. Dans chacun des cas, le tenseur est caractérisé par les valeurs et vecteurs propres du problème spectral décrivant les résonances microscopiques de la structure et doit être calculé numériquement. Nous utiliserons pour cela la méthode de Galerkin dans le cadre de l'approximation spectrale d'opérateurs compacts auto-adjoints.

Difficulté :

&diams Dans chacun des cas, l'opérateur discrétisé est obtenu par l'intermédiaire d'un noyau de Green périodique évalué à l'aide d'une formulation explicite [19] de laquelle il est nécessaire d'extraire les singularités.

&diams Le problème spectral de [1] est décrit par un opérateur défini sur un espace de fonctions vectorielles (3D) à divergence nulle. La décomposition en éléments finis de ce dernier est déduite des éléments d'arêtes de Nédelec.

Résultats obtenus :

Deux programmes en fortran 95 ont été implémentés dans leur intégralité et permettent d'approcher respectivement la permittivité et la perméabilité des milieux effectifs obtenus dans [1] et [2]. Ces approximations numériques nous ont permis de représenter le comportement de ces tenseurs en fonction de la fréquence et des autres paramètres décrivant le système initial (voir figure 4).

Figure 4 : Évaluation numérique des tenseurs effectif de permittivité εeff et de perméabilité μeff en fonction de la longueur d'onde λ et de la distance caractéristique d séparant les inclusions.

Le problème spectral obtenu dans [1] étant tridimentionnel, les calculs effectifs ont été effectués sur des discrétisations en pavé de petites tailles, de l'odre de 15-17 mailles en espace. Celle-ci engendre des matrice d'approximation pleine carré de dimension ∼ 8000-10000 (complexité de l'ordre de 2N3 avec N le nombre de mailles) dont il reste à caluculer les valeurs et vecteurs propres.

Figure 5 : Courant de déplacement dans l'inclusion diélectrique sous un rayonnement incident de fréquence associée à la résonnance fondamentale. Le champ magnétique induit est vertical et s'oppose à la propagation de la composante magnétique de l'onde : μeff de partie réelle négative.

Bibliographie

[10] G. Bouchitté and D. Felbacq, Homogenization of a wire photonic crystal: the case of small volume fraction, SIAM J. Appl. Math., 66, 6, 2006, 2061-2084.

[11] Bouchitté G. and Felbacq, D., Homogenization of a set of parallel fibers, Waves in Random Media, 7, 1997, 1-12.

[12] S. O'Brien and J.B. Pendry, Photonic band-gaps effects and magnetic activity in dielectric composites , J. Phys. Condens. Matter, 14, 2002, 15, 4035.

[13] D.Felbacq and G. Bouchitt\'e, Theory of Mesoscopic Magnetism in Photonic Crystals , Phys. Rev. Lett., 94, 2005, 183902.

[14] Pendry, J.B. and Holden, A.J. and Robbins, D.J. and Stewart, W.J., Magnetism from conductors and enhanced nonlinear phenomena, Microwave Theory and Techniques, IEEE Transactions on, 47, 1999, 11, 2075 -2084.

[15] R. V. Kohn and S. P. Shipman, Magnetism and homogenization of microresonators, Multiscale Model. Simul., 7, 2008, 1, 62-92.

[16] G. Bouchitté and B. Schweizer, Homogenization of Maxwell's equations in a split ring geometry, Multiscale Model. Simul., 8, 2010, 3, 717-750.

[17] G. Bouchitté and C. Bourel and L. Manca, Resonant effects in random dielectric structures, (en rédaction).

[18] Zhikov, V. V. and Piatnitski, A. L, Homogenization of random singular structures and random measures, Izv. Ross. Akad. Nauk Ser. Mat., 70, 2006, 1, 23-74.

[19] Marshall, Simon L., A periodic Green function for calculation of coloumbic lattice potentials , J. Phys.: Condens. Matter, 12, 2000, 4575-4601.